Urgesat ! Histoire de la SF
23.9.09
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Sylvain
21.8.04
C'était la première fois qu'on utilisait le terme "science-fiction" en français...
Présentation :
Cet article de Claude Elsen (de son vrai nom Gaston Delrycke) est paru dans le « Figaro littéraire » du samedi 8 avril 1950. A cette date, aucune collection spécialisée dans la Science Fiction n’existe encore en France bien qu’un projet soit lancé par Michel Pilotin aux éditions Gallimard.
Il s’agit du premier texte publié dans lequel apparaît en français le terme « science-fiction ». Cet article ne passera pas inaperçu car en novembre de la même année Claude Elsen et Georges Gallet signent un contrat avec les éditions Hachette pour diriger une collection d’« Anticipation scientifique ». Bientôt Gallimard et Hachette plutôt que de lancer des collections concurrentes vont s’associer et début 1951, naît une collection commune mais bicéphale : le « Rayon fantastique », première collection française de Science Fiction.
Sylvain
P.S. : Cet article a été réédité dans le fanzine « Syllage-bis » n°1 en mars 1983.
P.P.S. : La typographie d'origine a été respectée et seule une coquille a été corrigée : l'article mentionne en effet un certain John Bevnon mais il s'agit en fait de John Beynon, plus connu sous le nom de John Wyndham.
Références :
- « Vie et mort du rayon fantastique » par Georges H. Gallet in « Univers » n°3 (éd. J’ai lu n°629, décembre 1975) ;
- « Histoire de SF, 2ème partie » par Francis Valéry in « Futurs », 2ème série (mars-avril 1981) ;
- « Histoire de la science-fiction moderne » par Jacques Sadoul (éd. Laffont, col. « Ailleurs et Demain », 1984) pages 415 et 416 ;
- « Français, Attention : Voici la Science Fiction ! L’irruption de la science-fiction américaine en France dans les années 1950 et ce qu’il en est résulté pour la science-fiction française » in « La science-fiction française au XXe siècle (1900-1968). Essai de socio-poétique d’un genre en émergence. » par Jean-Marc Gouanvic, pages 167 à 178 (éditions Rodopi, col. « Faux titre », 1994).
La littérature de « second rayon »
Le roman « fantastique » va-t-il tuer le roman « noir »
Par Claude Elsen
Il n’est pas interdit de penser que la vogue du roman « noir » va sur son déclin. Il ne fallait pas être grand clerc, au demeurant, pour prévoir que le public français se lasserait assez rapidement d’une littérature (?) dont le côté sommaire et les procédés de fabrication ne pouvaient longtemps faire illusion, et dont les spécialistes les plus fameux n’étaient, en fin de compte, que d’astucieux farceurs (je songe à Peter Cheyney ou James Hadley Chase, ces « Américains » d’outre-Manche, ou à Vernon Sullivan, nègre-blanc de Saint-Germain-des-Prés). Le roman « noir » goût 1945-1950 ne témoignait même pas, dans ses formules, de ce minimum d’ingéniosité qui assurera toujours la faveur des amateurs de jeux de l’esprit au classique « detective novel » : Il la remplace par un érotisme de Prisunic, sur la « morbidesse » duquel j’ai peur que les moralistes ne se soient fait d’excessives illusions.
Il reste, qu’on le veuille ou non, et quelle que fût sa qualité, que cette littérature apportait à ceux qui la pratiquaient ce sentiment d’évasion que depuis que le monde est monde, les prisonniers de la vie quotidienne demandent au « divertissement » justement (mais vainement) condamné par Pascal. Au demeurant, le roman « noir » n’est pas une invention du vingtième siècle et, comme chacun sait, avant d’être indûment reprise à leur compte par les hagiographes de Scarface et de Lemmy Caution, l’étiquette désignait - plus honorablement - un genre qui ne manque pas de titres de noblesse, puisque s’y distinguèrent des écrivains aussi valables qu’Ann Radcliff, Maturin, E. T. Hoffmann ou Edgar Poe. Ceux-ci ont d’ailleurs une autre descendance que celle illustrée par Peter Cheyney. Je veux parler des romanciers « fantastiques ».
Le roman « fantastique », s’il compte en France des amateurs convaincus, n’y a jamais connu la faveur et le développement qui sont les siens en Allemagne, et surtout en Angleterre et aux Etats-Unis. Le public français, qui croit volontiers aux idées, ne croit pas aux fantômes. Son instinctif scepticisme le défend contre eux. D’un roman, il attend toujours ce minimum d’apparente « crédibilité » chère à Bourget. Il est significatif que, parmi les livres du meilleur de nos romanciers « fantastiques » vivants, Jacques Spitz, les plus connus et les plus appréciés soient ceux où la fiction pure est mêlée de, et comme tempérée par un humour satirique qui emprunte ses thèmes à la réalité la plus actuelle : les lecteurs de L’Agonie du globe ou de La Guerre des mouches sont certainement plus nombreux que ceux de L’Oeil du Purgatoire - et ce n’est pas un hasard si le prochain roman de Jacques Spitz s’intitule La Guerre mondiale n°III.
En Amérique et en Angleterre, en revanche, la science-fiction et la fantasy connaissent, depuis un quart de siècle, une faveur dont on ne se fait, chez nous, aucune idée. Quelque chose nous dit pourtant que le genre pourrait bien allier bientôt, en France, les suffrages d’au moins une partie du public lassé par la monotonie du pseudo-roman « noir ». Et c’est pourquoi nous en parlons ici.
C’est en 1926 que Hugo Gernsback « lança » aux Etats-Unis, ses Amazing Stories (Histoires stupéfiantes) en même temps qu’il créait la formule de science-fiction. Après avoir régné dans les magazines populaires, le genre a profité - si l’on peut dire - de la guerre « atomique » et des dernières découvertes de la science pour conquérir, en même temps qu’un public « éclairé », ses lettres de noblesse. Il a ses fans - ses fanatiques. Il s’en est même créé à l’étranger. En France, le plus convaincu est sans nul doute Georges-H. Gallet, que nous nous devions d’interroger sur un sujet que personne ne connaît mieux que lui.
Georges-H. Gallet, qui est journaliste, fut l’ami du professeur Régis Messac (auteur d’importants et doctes ouvrages aussi bien sur le « detective-novel » que sur le roman « fantastique » - dont il a étudié l’histoire, les formes et les thèmes - avant de mourir dans un camp de concentration allemand) et est considéré par les spécialistes américains et anglais comme leur confrère numéro un en France. Il possède une impressionnante collection, comptant des centaines de volumes de science-fiction de toute espèce, de toute origine et de toute nationalité, qu’il rêve de voir traduits, publiés et lus en France. Lui en parler, c’est aborder un sujet sur lequel est intarissable... C’est aussi découvrir un bien curieux univers littéraire.
A côté des « grands ancêtres », Jules Verne, H. G. Wells ou Edgar Poe, ou de contemporains connus, tels que Karel Kapek, Aldous Huxley ou notre Jacques Spitz, nous apprenons ainsi l’existence d’un Dr Olaf Stapledon, auteur de Last and First men (Les premiers et les derniers hommes), de Star maker (Le Faiseur d’étoile) ou de Sirius (l’histoire d’un « super-chien » doué d’intelligence et de parole) ; d’un George Orwell dont le Nineteen eighty four (1984) est la chronique peu rassurante du monde « totalitaire » de demain ; d’un S. Fowler Wright ; d’un C. S. Lewis (romancier et théologien) ; d’un John Beynon et d’un Ward Moore, spécialistes, si l’on peut dire des catastrophes cosmiques, voyages interplanétaires et fins du monde en tout genre. Tous ceux-là sont anglais.
- Les Américains, nous dit G.-H. Gallet, tout en cédant plus volontiers à la fantasy, ont, assez paradoxalement, reconnu les premiers l’intérêt romanesque de la science. Ne parlons que pour mémoire (et pour saluer la sienne, puisqu’il vient de mourir) d’Edgar Rice Burroughs, qui n’a pas seulement été le père de Tarzan, mais aussi l’Alexandre Dumas père de merveilleux romans d’aventures sur Mars, Vénus et ailleurs. A côté de lui, E. E. Smith a créé le space opera (opéra de l’espace...) avec ses romans d’aventures intersidérales, d’une imagination débordante. Autre « classique » du genre : le When worlds collide (Quand les mondes se rencontrent) de Ph. Wylie et Ed. Balmer. Mais il y a plus curieux...
Et de nous mettre l’eau à la bouche en nous parlant de romanciers tels que William Sloane ou H. P. Lovecraft, dont les ouvrages tiennent à la fois du roman « fantastique » scientifique et du roman « noir » dans la première - et la meilleure - acception du mot, ou Stanley Weinbaum, l’inventeur de mondes et d’espèces inconnus. Bien entendu, l’ère « atomique » a déjà ses romanciers, tels L. R. Hubbard, auteur d’un Final Blackout dont le titre se passe de commentaires, et Robert Heinlein dont le Rocketship Galileo, histoire d’une croisière interplanétaire, vient d’être porté à l’écran.
- Et il ne faudrait pas oublier les spécialistes de la nouvelle, dont les anthologies connaissent par delà les mers un énorme succès - par exemple : Adventures in Time and Space, l’énorme recueil de R. J. Healy et J. F. McComas ; le Pocket-book of Science-fiction de D. Wollheim, ou la collection que dirige le spécialiste « atomique » J. W. Campbell : Who goes there ? (Qui va là ?).
« Il n’est d’ailleurs pas que dans les pays anglo-saxons où le genre marque des points : citons en Yougoslavie, Minke Gottlieb, auteur de Kijuc od Velikih Vrata (La Clé de la Grande Porte) ; en Allemagne, Anton M. Kolnberger et son Auf Unbekantem Stern (Sur l’étoile inconnue) ; en Italie, A Prestigiocomo, etc. »
Voilà. Il est assez curieux de penser qu’en France, où le grand public « qui lit » passe pour être friand de nouveauté, où le roman « noir » nouvelle manière a fait parler de lui plus que partout ailleurs - et plus qu’il ne le méritait - où, par ailleurs, grand est l’engouement à la fois pour le roman romanesque et pour tout ce qui ressortit à la vulgarisation scientifique, ce domaine où les deux se rencontrent, parfois fort heureusement, demeure quasi-inconnu et quasi-inexploité.
Mais peut-être y viendra-t-on...
Claude Elsen
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